Alors que la sociologie du suicide est très majoritairement quantitative, cet article montre comment saisir ce phénomène par l’ethnographie. Loin de constituer une entorse à l’objectivation durkheimienne centrée sur le taux social de suicide, elle permet au contraire d’enrichir l’étude des causes sociales du suicide. S’appuyant sur une enquête portant sur les suicides d’agriculteurs, il montre comment dépasser la sidération de la pensée et l’illusion biographique par laquelle tout est réinterprété à la lumière de l’acte pour construire les trajectoires de suicidés auprès de « proches éloignés ». Cette catégorie d’informateurs permet d’accéder à un ensemble de renseignements auxquels nous n’aurions pas eu accès en interrogeant l’entourage direct.